La COP16 à Cali : Entre espoirs et frustrations

28 novembre 2024
Charles-Antoine Bachand
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La 16e Conférence des Parties (COP16) pour la biodiversité, tenue à Cali, Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024, a rassemblé des représentants de 150 pays pour examiner la mise en œuvre de l’Accord Kunming-Montréal (2022). Si des appels à des réformes ambitieuses ont marqué les discours officiels, les résultats ont été critiqués pour leur manque de mesures et la domination d’approches orientées vers les marchés.

Contexte prometteur, résultats décevants

Rosina Bierbaum, présidente du Groupe consultatif du Fonds mondial pour l’environnement (GEF), a mis en avant l’urgence de réformer des subventions nuisibles, estimées à 680 milliards CAD annuels, et d’augmenter les financements pour atteindre les objectifs mondiaux. Barry Gardiner, député britannique, a dénoncé « l’exploitation gratuite de la nature », appelant à des changements structurels. Malgré cela, les engagements pris sont restés non contraignants. Le document final, bien qu’en ligne avec les objectifs de biodiversité, témoigne d’une marchandisation croissante de la nature. Les approches adoptées favorisent les spéculations économiques plutôt qu’une véritable transition écologique.

Participation citoyenne : un point positif

La « Zone verte » de Cali a attiré près d’un million de participant·es à des activités culturelles et académiques. Susana Muhammad, ministre colombienne de l’Environnement, a salué cet engagement comme un levier de sensibilisation pour la Colombie. Les mouvements autochtones et les organisations sociales y ont exprimé leurs préoccupations, insistant sur la valeur des savoirs traditionnels et la gestion autonome des territoires par les communautés locales.

Avancées pour les droits autochtones

Un succès de la COP16 réside dans l’établissement d’un groupe de travail consacré à l’application de l’article 8J de la Convention sur la diversité biologique. Cet article vise à protéger les savoirs traditionnels des peuples autochtones et afro-descendants tout en garantissant leur participation équitable. Camila Paz Romero, porte-parole autochtone, a qualifié cette mesure de « jalon historique ». Cependant, le passage à des actions concrètes reste un défi.

Financements insuffisants et pression des marchés

La conférence a approuvé le « Fonds de Cali », alimenté par les industries pharmaceutiques et cosmétiques, pour redistribuer les profits liés aux ressources génétiques. Néanmoins, ce fonds couvre une fraction des 950 milliards CAD requis annuellement, selon le PNUE. Les contributions au Fonds mondial pour la biodiversité, attendu à 27-41 milliards CAD par an d’ici 2030, demeurent faibles et non contraignantes. Parallèlement, la gestion de la biodiversité par des mécanismes de marché s’intensifie, comme en témoignent les concepts de « crédits de biodiversité » ou d’« échange de dette contre crédits verts ». Des initiatives telles que le rapport italien sur la biodiversité montrent comment les entreprises ajustent leurs stratégies pour se conformer aux nouvelles régulations, augmentant ainsi leur compétitivité.

Biologie synthétique : des enjeux controversés

Les débats sur la biologie synthétique, notamment les « gene drives », ont suscité de vives inquiétudes. Ces technologies, capables de modifier génétiquement des populations ou d’éradiquer des espèces, posent des risques importants pour les écosystèmes. Une résolution adoptée à la COP16 a soutenu ces projets, mais les garanties initiales, comme la mise en place d’un groupe de suivi multidisciplinaire, ont été affaiblies. Ce choix reflète une dépendance croissante envers des solutions technologiques risquées, favorisées par des intérêts économiques.

La contribution du Québec

Malgré les limites globales de la COP16, le Québec s’est démarqué par ses initiatives. Premier gouvernement infranational à financer le Fonds pour le cadre mondial de la biodiversité (2 millions CAD), il a aussi présenté un plan nature ambitieux pour protéger ses milieux terrestres et marins. Une journée dédiée au Québec a mis en avant ses collaborations et introduit des indicateurs de biodiversité pour les investisseurs institutionnels, témoignant d’un engagement financier concret. La délégation québécoise, incluant des membres de la société civile, a renforcé cette présence.

Une opportunité manquée

Malgré une mobilisation citoyenne exceptionnelle, la COP16 n’a pas su dépasser les approches traditionnelles et centrées sur les marchés. L’écart entre les déclarations officielles et les actions réelles demeure profond. Les communautés autochtones et locales, pourtant en première ligne de la protection de la biodiversité, restent marginalisées face à des politiques influencées par des intérêts financiers.

Références

Bulkeley, H. (2024, novembre 4). Cop16 : The world’s largest meeting to save nature has ended with no clear path ahead. The Conversation.

Greco, L. (2024, novembre 7). Le false soluzioni della Cop 16. Jacobin Italia. https://jacobinitalia.it/le-false-soluzioni-della-cop-16/

Krakovitch, S. (2024, novembre 4). COP16 : Un échec cuisant sur le financement. Reporterre, le média de l’écologie – Indépendant et en accès libre. https://reporterre.net/Biodiversite-les-pays-riches-refusent-de-passer-a-la-caisse

Medellin, R. A. (2024). Move past promises for biodiversity. Science, 386(6720), 359-359. https://doi.org/10.1126/science.adu0409

Mouterde, P. (2024, novembre 2). A Cali, la COP16 sur la biodiversité s’achève sans accord sur des sujets cruciaux. Le Monde.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/11/02/a-cali-la-cop16-sur-la-biodiversite-s-acheve-sans-accord-sur-des-sujets-cruciaux_6372788_3244.html

Réalité climatique Canada (Réalisateur). (2024, novembre 6). Panel : Bilan des négociations de la CdP-16 (APLB et Dialogues pour la biodiversité, 6 nov) [Enregistrement vidéo].
https://www.youtube.com/watch?v=A1XneMTaeDM